Le 23 novembre 2024, la ville d’Erre, dans le nord de la France, a commémoré le 80e anniversaire de sa libération pendant la Seconde Guerre mondiale. Comptant un peu moins de 2500 habitants et située près de la frontière belge, des responsables gouvernementaux français de haut rang se sont rassemblés pour marquer l’événement, parmi lesquels des sénateurs, des députés, des élus locaux et des citoyens. La ville a accueilli plusieurs dizaines de reconstituants avec des véhicules (blindés, jeeps, motos, postes logistiques et de commandement), du matériel (tentes, armes, caisses de munitions et appareils de télécommunication) et des uniformes (américains et nazis) de l’époque. Mais l’événement principal, mis en avant tout au long du week-end, était l’exposition sur les pigeons voyageurs, mettant en lumière le rôle crucial, mais souvent méconnu, des pigeons voyageurs durant les deux guerres mondiales du XXe siècle.

Figure 1. Photo devant une remorque mobile pour pigeons. De gauche à droite : le Colonel en chef DJ Kucherhan (Attaché de défense adjoint du Canada en France), l’organisateur de l’événement Monsieur Philippe Jonville, deux officiers des transmissions français des 41e et 8e régiments des transmissions, et le sergent Rouffelaers, le dernier colombophile (dresseur) restant.

Ces « pigeons voyageurs » ainsi nommés à juste titre, étaient utilisés par les forces terrestres, aériennes et, dans de rares cas, navales, pour envoyer des messages importants rédigés à la main sur du papier fin, roulés et placés dans un petit tube attaché à leurs pattes. Lorsqu’ils étaient relâchés, les oiseaux parcouraient de grandes distances, jusqu’à 20 km, à grande vitesse (2,5 km par minute), revenant à leur pigeonnier, souvent une remorque mobile équipée de perchoirs pour pigeons, située à proximité d’un quartier général ou d’un site de communication. Possédant un sens de l’orientation exceptionnel, les pigeons voyageurs agissaient comme des coursiers aériens spéciaux et volaient de retour vers l’endroit où ils avaient été formés. Malgré le chaos et le taux de mortalité élevés des deux guerres mondiales, ces pigeons avaient un taux de réussite élevé pour la livraison des messages (environ 95 %) et deux ou plusieurs pigeons étaient souvent relâchés simultanément pour augmenter les chances de succès de la transmission.

Figure 2. Photo du matériel utilisé par la Signal Pigeon Company lors de l’exposition sur les pigeons voyageurs.

Les messagers de confiance ont été utilisés à la fois par les forces alliées et de l’Axe durant les deux guerres mondiales en Europe, et furent employés dès les premiers stades de la Première Guerre mondiale par le Canada. En 1915, le Service des pigeons devint une branche spéciale du Corps des Signaux canadien sous le Corps du génie, contrôlant environ 20 000 oiseaux. Pendant la guerre de tranchées, le Corps canadien utilisait 100 pigeons par jour. Les pigeons avaient l’avantage supplémentaire d’être relativement résistants aux gaz lacrymogènes. En 1916, des pigeonniers montés sur véhicules mobiles furent utilisés, et les pigeons furent employés sur pratiquement tous les fronts canadiens, de la Somme à Passchendaele.

Figure 3 (À gauche). Pigeons voyageurs embarqués à bord d’avions militaires et relâchés en cas d’atterrissage d’urgence.

(Droite) Mannequin en uniforme du service des pigeons allemand, relâchant un pigeon voyageur.

L’entraînement et les soins des pigeons voyageurs étaient d’une importance capitale. Les dresseurs de pigeons, appelés colombophiles, jouaient un rôle essentiel pour garantir la préparation des oiseaux aux missions. Ces dresseurs étaient responsables de l’élevage, de l’entraînement et du maintien de la santé des pigeons. L’entraînement consistait à familiariser les pigeons avec leurs pigeonniers et à augmenter progressivement les distances qu’ils devaient parcourir. Cette préparation rigoureuse garantissait que les pigeons pouvaient accomplir leurs missions dans les conditions les plus difficiles.

L’impact des pigeons voyageurs sur l’effort de guerre ne peut être sous-estimé. Ils offraient un moyen de communication fiable, moins susceptible d’être intercepté ou perturbé. Leurs contributions ont été reconnues par les dirigeants militaires, qui louaient souvent les pigeons pour leur courage et leur dévouement. En fait, de nombreux pigeons ont reçu des médailles et des distinctions pour leur service, soulignant ainsi leur importance dans l’effort de guerre.

Figure 4. Souvenir de pigeon avec plaque commémorative.

En réfléchissant au rôle des pigeons voyageurs lors des deux guerres mondiales en Europe, nous nous rappelons le lien incroyable entre les humains et les animaux. Ces oiseaux étaient bien plus que de simples outils de guerre ; ils étaient des compagnons de confiance qui risquaient leur vie pour sauver celle des autres. Leur héritage perdure dans les annales de l’histoire militaire, servant de témoignage à l’ingéniosité et à la débrouillardise de ceux qui ont combattu pendant la Grande Guerre.

En conclusion, l’histoire des pigeons voyageurs pendant la Première Guerre mondiale est une histoire de courage, de résilience et d’innovation. Ces oiseaux remarquables ont joué un rôle vital pour garantir le succès des opérations militaires et sauver d’innombrables vies. En honorant leurs contributions, souvenons-nous également des innombrables hommes et femmes qui ont travaillé sans relâche pour les entraîner et en prendre soin.

Figure 5. Reconstituants portant des uniformes de la Seconde Guerre mondiale devant des véhicules militaires de transmissions et de logistique.